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« Être(s) » : le projet photo qui replace l’Homme dans son environnement

Actus outdoor

« Être(s) » : le projet photo qui replace l’Homme dans son environnement

Rencontre avec Hugo Mairelle, artiste plasticien à l’origine du projet photo « Être(s) » avec le photographe Vincent Muller. Les deux artistes questionnent la place de l’Homme dans son environnement dans ce projet photo qui met en scène des modèles nus posant dans un environnement naturel époustoufflant.

Cet entretien a été réalisé le 14 mars 2020, quelques jours avant le début du confinement.

« Être(s) » : le projet photo qui replace l’Homme dans son environnement

Des chants d’oiseaux. Le vent dans les arbres. Le murmure d’un ruisseau. À peine la porte du Musée Würth est-elle poussée qu’une ambiance sonore plonge le visiteur en pleine nature. Il faut d’abord monter le premier escalier avant de trouver dans une pièce éclairée par les grandes fenêtres des photographies surprenantes. Et alors qu’il termine d’accrocher les œuvres qu’il a réalisées avec Vincent Muller, photographe strasbourgeois, nous avons interrogé Hugo Mairelle, artiste plasticien de ce projet. 

« Vosges qui peut ! » : peux-tu nous décrire le projet « Être(s) » ?

Il s’agit d’une série de photos qui présente des personnes nues et des masques végétaux. Le projet artistique s’inspire du land art et des arts premiers : les modèles sont installées dans un paysage et elles portent un masque qui a été confectionné avec des matériaux naturels trouvés sur place et laissé ensuite sur place une fois le shooting terminé.

Les œuvres du projet photo « Être(s) » réalisé par le plasticien Hugo Mairelle et le photographe Vincent Muller en Alsace
Le projet « Être(s) » au musée Würth d’Erstein

Le fait de laisser les masques sur place et qu’ils se décomposent, qu’ils retournent à la nature en quelque sorte, nous permettait de respecter les cycles du vivant. La seule trace qu’il reste, ce sont les photos de Vincent. Ce n’est pas un projet « matérialiste » comme le peuvent être d’autres créations. Créer un masque à partir de matériaux naturels, ce n’est pas comme créer une sculpture : nous avons fait des photos mais personne ne pourra jamais posséder l’un des masques.

Hugo Mairelle, artiste plasticien engagé pour la préservation et la défense de la biodiversité en Alsace et dans les Vosges
Hugo Mairelle est un artiste alsacien engagé en faveur de la biodiversité

Comment l’envie de travailler avec Vincent Muller s’est-elle installée ?

J’avais d’abord réalisé en 2016 une première série de portraits d’agriculteurs mayas dans le Yucatan. Les portraits étaient suite projetés sur le tronc et les ramures d’arbres en pleine forêt équatoriale du Mexique. Les projections faites de nuit prenaient la matière du support sur lequel ils étaient projetés. Je suis resté deux mois sur place avec une association qui promouvait l’agro-sylvo-pastoralisme, une technique d’agriculture qui consister à s’inspirer des écosystèmes pour diversifier les cultures. J’ai eu envie de valoriser ce système de production à travers ce premier projet photo en créant une sorte de reconnexion entre l’homme et son environnement.

Hugo Mairelle, artiste plasticien alsacien, manie l'une des œuvres réalisée avec le photographe Vincent Muller au sein du musée Würth en Alsace
Accrochage des œuvres du projet photo « Être(s)» au musée Würth

À mon retour, j’ai montré ce projet à Vincent, un ancien collègue, parce que je voulais avoir l’avis d’un photographe. J’ai toujours aimé son style de photo sobre, sans artifice et fin. Il a beaucoup aimé la série et m’a proposé de monter quelque chose ensemble.

Hugo Mairelle prépare l'exposition de photos de nature réalisées en Alsace et dans les Vosges

On s’est d’abord tous les deux imaginé partir à l’autre bout du monde, à la rencontre de peuples autochtones pour les valoriser… et en réfléchissant je me suis dit que nous n’étions pas obligés d’aller si loin pour travailler sur le thème de la diversité. Quelques semaines plus tard, j’ai proposé à Vincent de concevoir une série de photos à partir d’un croquis et nous avons fait un test grandeur nature pour voir ce que cela pourrait donner. Nous avons fabriqué sur place le premier masque avec une pose de nu où j’étais le modèle. Ça a tout de suite marché, le concept était posé dès le début et nous avons vu ce qu’il était possible de décliner. Il n’y avait que la question de la nudité qui n’était pas présente à l’origine mais elle s’est ensuite imposée comme une évidence.

Une œuvre du projet photo « Être(s) » réalisé par le plasticien Hugo Mairelle et le photographe Vincent Muller en Alsace

Quelle est la symbolique derrière ces masques d’inspiration autochtone ?

Chez les peuples autochtones, les masques ont plusieurs fonctions, notamment spirituelles, comme c’est le cas dans le projet Être(s). Les masques sont plus grands que nature pour qu’ils englobent toute la tête du modèle, sans qu’il y ait de cheveux qui dépassent. Pour moi, c’est une passerelle avec le spirituel. Le message des photos est que l’homme est présenté au milieu d’une nature qui l’entoure, dont il issu et dont il dépend

Photographie de masque du projet « Être(s » réalisé par l'artiste plasticien Hugo Mairelle et le photographe Vincent Muller

Il y a aussi un fort aspect pédagogique porté par le masque, une volonté de reconnecter les gens avec ce qui les entoure. On peut voir ici des photos de paysages avec le modèle portant le masque et des photos avec seulement un masque. C’est un point sur lequel nous avons beaucoup réfléchi avant de commencer la série parce que via les deux photos, le spectateur ne reçoit pas la même information. Montrer les masques seuls permet aux visiteurs de se rapprocher et de reconnaître des végétaux et des éléments naturels qui le composent comme des champignons, des feuilles ou de la neige.

Visite de l'exposition du projet photo « Être(s) » réalisé par Hugo Mairelle et Vincent Muller, artiste plasticien et photographe alsaciens

Donc montrer ces masques portés par des hommes et des femmes dans un paysage naturel, c’est proposer une vision holistique de la relation de l’homme avec son environnement. L’origine est commune mais elle s’épanouit dans la diversité. Et cette diversité est aujourd’hui menacée, réduite. Il faut la préserver.

Je suis un grand fan du musée du Quai Branly et sans être anthropologue, je suis interpellé par la diversité. Je crois vraiment que c’est de la diversité qu’émerge la beauté. Présenter des photos de masques sacralisés sur un fond sombre et neutre nous permettait de créer un personnage paradoxal, à la fois imaginaire et très concret étant donné qu’ils sont confectionnés avec des matériaux prélevés sur place. Finalement, ce n’est plus vraiment un homme ou une femme que l’on regarde, mais une sorte de gardien dont le rôle est de préserver ce qui l’entoure. Un peu à l’image des peuples autochtones qui sont gestionnaires des ressources locales dont ils sont tributaires.

Une œuvre du projet photo « Être(s) » réalisé par le plasticien Hugo Mairelle et le photographe Vincent Muller en Alsace
Tous les masques ont été confectionnés à partir de matériaux naturels

Comment s’est fait le choix des paysages ?

Nous avons pris toutes les photos en Alsace et dans le massif des Vosges. Nous avons choisi les lieux pour leur diversité et ne jamais avoir deux paysages similaires. Nous avons donc a joué sur la saison, l’heure de la journée et la variété des lieux. Des forêts, des chaumes, des plaines, des milieux aquatiques etc. L’objectif était de faire se questionner les visiteurs sur le lieu de la prise de vue pour qu’il s’imaginent que les photos ont été prises très loin de chez eux. Et ça marche plutôt bien !

Derrière le choix de la diversité, il y a forcément un engagement écologique, on veut qu’il y ait des questions. Pourquoi est-on là ? Est-ce qu’on est là pour dégrader ou agrader, participer à l’amélioration des cycles ?

Hugo Mairelle présente l'une des photos de masque réalisée avec le photographe alsacien Vincent Muller

J’ai vécu une partie de ma jeunesse à la campagne chez mes grands parents et j’ai eu un contact assez rapide avec la nature. Quand j’étais petit, mon père m’emmenait dans les Vosges quasiment tous les week-ends, au Hohneck au lac Blanc etc. Encore aujourd’hui, on va ensemble aux champignons tous les automnes et cela m’a permis d’être connecté, de me rendre compte qu’il y a des choses qui se mangent ou qu’avec trois branches on peut faire un masque. Je pense que plus tu vas en pleine nature, plus tu as envie d’y aller ! Vincent de son côté est peut être un peu plus citadin dans l’âme, alors quand on a du bivouaquer pour certains shootings, il ronchonnait un peu au début mais après ça se passait bien (rires) !

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C’est la première fois que vous exposez « Être(s) » dans un musée

C’est une chance de pouvoir exposer dans un lieu comme le Musée Würth ! Notre objectif avec Vincent est de montrer le projet à un maximum de personnes et là, il y a une forme de reconnaissance. Des lieux auxquels ont ne s’attendait pas nous ont ouvert leurs portes : une Maison de la Nature, une galerie, un lycée ou un grand musée comme le Musée Würth. Donc on se laisse porter ! On va partout où les portes s’ouvrent : hier ST-ART, demain à l’Industrie Magnifique.

Le musée Würth à Erstein en Alsace vu du ciel

Ce que je préfère à titre personnel, ce sont les échanges et le dialogue avec les jeunes ou dans les établissement scolaires parce qu’il y a un dialogue avec les élèves. Ce n’est pas une exposition « concept » où l’on a besoin d’une longue explication pour comprendre de quoi il s’agit. Chez les élèves, c’est le rapport au corps nu qui soulève des questions et c’est un bon support pédagogique.

À quelle suite doit-on s’attendre pour le projet « Être(s) » ?

Nous aimerions éditer un livre pour reprendre tout le projet depuis le début et avec peut être plus d’explications pour le faire vivre au-delà des expositions.

Nous allons aussi participer à l’Industrie Magnifique (reportée à 2021, ndlr) avec Aquatiris, une entreprise alsacienne qui propose de la phyto-épuration pour les entreprise. Elle installe des systèmes d’assainissement des structures végétalisés et écologiques. On pourra donc voir un très grand masque qui sera conçu avec les employés de l’entreprise. L’idée est de partir ensemble dans la nature pour récolter des végétaux que l’entreprise utilise dans ses réalisations et de réaliser un masque de 2 m à 2,5 m. Quelque chose qui ait une présence ! Les visiteurs pourront voir pour une fois un masque grand format qu’on rendra à la nature après l’événement, naturellement. Il sera exposé à l’Aubette dans la grande salle de bal

Ce qui est intéressant dans ce projet, c’est de faire la passerelle entre les arts plastiques et le monde concret de l’entreprise qui développe la même philosophie à travers ses produits. C’est cette conjugaison qui m’intéresse. 

Quelques liens utiles

🖼 Le projet : projet-etres.com

📸 Vincent Muller, photographe : @vincentmullerphotos

🖌 Hugo Mairelle, artiste plasticien : @hugomairelle

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